La crise agricole est grave

Pour un revenu juste des paysans et paysannes et un soutien clair à la transition écologique !

Les agricultrices et agriculteurs manifestent pour revendiquer de meilleures conditions de travail et de rémunération. Le mouvement des AMAP apporte tout son soutien et sa solidarité aux paysan·nes dans leur mobilisation. 

La crise agricole est grave :

– une majorité de paysans n’arrivent plus à vivre décemment de leur travail,
– leurs contraintes administratives sont très lourdes,
– leurs dépenses augmentent, notamment l’énergie.
– le nombre de fermes diminue gravement et un grand nombre d’agriculteurs vont partir en retraite dans les 10 ans à venir,
– les prix de ventes des agriculteurs à l’industrie agro-alimentaire et à la grande distribution sont au plus bas,
– le dérèglement climatique vient compliquer leurs tâches,
– la prise de conscience des ravages des pesticides sur la biodiversité comme sur la santé des  « mangeur-euse-s ».

Tous ces éléments montrent la profondeur et la complexité de cette crise. Elle  est le résultat de choix politiques et ne pourra pas se résoudre par le maintien des décisions qui l’ont générée. L’agriculture est dans l’impasse d’un système économique ultralibéral, inéquitable et destructeur.

Voici quelques éléments d’analyse en 9 points :

1 – Les Amap, une réponse partielle à la crise
2 – Un modèle « technique » à bout de souffle : la fin des gains de productivité
3 – Autosuffisance alimentaire ou exportation via les traités de libre échanges
4 – Répartition des « marges » : les paysans les grands perdants
5 – Les agrandissements au lieu des installations
6 – Quelle agriculture veut-on ? Pesticides ou transition ?
7 – Qui a intérêt à défendre l’agriculture agro-industrielle ?
8 – Les « mangeur-euse-s », une partie de la réponse
9 –  Une récupération politique dommageable

1) L’Amap, une réponse partielle à la crise :

      En Amap nous défendons l’agriculture paysanne, bio et locale. Les amapiens s’engagent sur une période donnée via un contrat. Les prix sont pensés pour permettre à nos producteur-trice-s de vivre dignement de leur métier. Ceux-ci valorisent mieux leurs produits et ont une reconnaissance de la qualité de leur travail qui manque à celles et ceux qui ne sont pas en vente directe. Les consomm’acteurs bénéficient de produits de qualité à un juste prix. Parlons des Amap à tous ceux qui se demandent comment soutenir les paysan-ne-s !

2) Un modèle « technique » à bout de souffle : la fin des gains de productivité

      Après guerre, on a demandé à l’agriculture d’assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Europe. L’arrivée des engrais et des pesticides, et aussi de la mécanisation, a permis des gains de productivité énormes en agriculture. Les rendements ont explosé et le nombre de ferme a fondu. Mais, il semble que nous soyons arrivés au bout de cette course. Le taux de matière organique des sols a fondu (arrêt de la polyculture élevage), de nombreux sols, comme l’eau des rivières sont gravement pollués (les agences de l’eau dépensent des fortunes en dépollution ) et les conséquences de l’usage intensif des pesticides sont catastrophiques pour la santé humaine et la biodiversité. De plus, le dérèglement climatique avec les excès de chaleur, les sécheresses ou les pluies diluviennes, le démarrage précoce des cultures avec des températures clémentes suivi d’un coup de gel printanier, les évènements climatiques forts, grêles, orages, tornades… compliquent encore plus le travail des paysans

3)Autosuffisance alimentaire ou exportation via les traités de libre échanges :

             L’autosuffisance alimentaire a été atteinte vers les années 70. Les gouvernements ont décidé de poursuivre et d’amplifier ce développement pour se placer sur le marché de l’exportation à coup de subventions. C’était une erreur ! L’autosuffisance alimentaire est nécessaire, mais elle est nécessaire à chaque pays, et développer l’exportation est toxique pour les pays importateurs car elle mine l’agriculture locale (en particulier des pays en voie de développement). De plus, privilégier les cultures d’exportation se fait au détriment de notre propre autosuffisance. (On importe 50% de nos fruits et légumes !).
Notre modèle capitaliste ultralibéral a beaucoup profité de cette agriculture intensive qui favorise les grosses fermes au dépend de l’agriculture paysanne. L’Union Européenne est championne des traités de libre échange qui placent l’agriculture de nos pays en concurrence avec les énormes fermes de tous les continents et nous entraîne vers toujours plus d’agro-industrie.

4) Répartition des « marges » : les paysans les grands perdants :

        Les prix ne permettent pas aux paysans de vivre de leur travail. Pour certains, ils ne couvrent pas les coûts de revient (porc, lait, volaille..). L’ industrie agro-alimentaire et la grande distribution prennent les agriculteur-trice-s en étaux et ne permettent aucune négociation sur les prix. On lit, ces jours de nombreux exemples de prix dans les grandes enseignes ou la part du prix payé aux producteurs ne représente qu’une petite partie du prix de vente. Les grands distributeurs ont vu, eux, leur taux de marge exploser et le gouvernement n’a voulu ni taxer les « super-profits » ni empêcher qu’ils se produisent. L’agriculture est un des rares secteurs où les producteurs vendent parfois à perte, ils sèment sans savoir le prix de vente de leur produit et le prix payé dépend, par exemple pour le blé, davantage  de la bourse de Chicago que de leur coût de production. Des traders achètent et revendent des dizaines de fois des tonnes de blé qui ne sont pas encore récoltées !  De plus, pour atteindre des prix toujours plus bas, les grands distributeurs n’hésitent pas à importer des produits n’ayant pas les mêmes normes sanitaires….

5) Les agrandissements au lieu des installations :

        Le prix du foncier explose et l’installation de jeunes paysan-ne-s est très difficile et de nombreux porteurs de projet agricole sont obligés d’abandonner. Pourtant le nombre de paysans diminue dramatiquement et il est vital d’installer de nombreux jeunes (en France en 2019,  plus de la moitié des agriculteurs étaient âgés de 50 ans ou plus et 25% des chefs d’exploitations, co-exploitants ou associés avaient plus de 60 ans). Malheureusement, quand des terres se libèrent, elles servent le plus souvent à l’agrandissement de déjà grosses exploitations qui elles même représentent un capital énorme qui les rend non cessibles si ce n’est à des investisseurs non paysan.

6) Quelle agriculture veut-on ? Pesticides ou transition ?

         Il est clair que l’agriculture ultra-productiviste, grosse émettrice de gaz à effet de serre, polluante, et toxique ne peut pas être la solution pour sauver les paysans. Au contraire c’est ce modèle  qui est à l’oeuvre depuis plus de 40 ans, qui a ravagé l’agriculture paysanne, qui pollue  sols et rivières, détruit la biodiversité, arrache les haies etc. Les agriculteurs qui manifestent en réclamant toujours plus de round-up, et de pesticides et  l’arrêt des règles environnementale se tirent une balle dans le pied. Ils sont les premières victimes de ce type d’agriculture. Par contre, il est certain que l’on ne peut pas leur demander ces efforts, tout en maintenant des prix non rémunérateurs et en continuant de signer des traités de libre-échange. Il faut donc un changement radical de politique agricole et ce n’est naturellement pas de petits aménagements à la marge qui peuvent régler la situation.

7) Qui a intérêt à défendre l’agriculture agro-industrielle ?

        Depuis des décennies, le modèle de co-gestion de l’agriculture en France entre gouvernements et FNSEA (syndicat majoritaire des exploitant-e-s) est reconnu. Alors, vouloir nous faire croire que la direction de ce syndicat  est en colère est un peu gros. Elle souhaite  surtout rester  comme négociateur avec le gouvernement pour conserver la politique qui l’ arrange. Soutenir les grands groupes agro-industriels est leur intérêt. Le groupe Avril par exemple dont Arnaud Rousseau , président de la FNSEA, est aussi président du conseil d’administration, fait 51%  de son chiffre d’affaires à l’international (4,59 milliards d’euros) https://www.avril.com/groupe/chiffres-cles-et-performances-sociales-environnementales. Est-il sûr qu’il soit réellement contre les traités de libre-échange ? https://reporterre.net/Arnaud-Rousseau-pompier-pyromane-a-la-tete-de-la-FNSEA

8) Les « mangeur-euse-s », une partie de la réponse

        Une piste pour aider à réorienter l’agriculture est de s’appuyer sur les « mangeurs ».  L’État doit faire respecter la loi EGalim de 2018 qui prévoit “50% de produits bio, de qualité et durables dans la restauration collective à horizon 2022” (20 % de produits bio alors qu’on est plutôt à 6 % !) . Cela redonnerait un élan puissant à l’agriculture locale et bio, permettant aux habitants les plus démunis financièrement de consommer des produits de qualité. Les projets de sécurité sociale alimentaire qui imaginent 150 € de crédit alimentation par personne ciblés sur l’agriculture paysanne seraient aussi un formidable accélérateur pour ce type d’agriculture.

9) Une récupération politique dommageable  

        On assiste pendant cette crise à une opération de séduction tout azimut des partis d’extrême droite envers les agriculteurs et la France rurale.
C’est une véritable supercherie. Au parlement européen le RN a voté pour les traités de libre -échange et s’est félicité de l’élection du nouveau président Argentin qui supprime les limites à la vente de terres agricoles aux investisseurs étrangers, bref, il s’agit d’une posture et d’une récupération dangereuse.

Quelques documents pour mieux comprendre ce qui se joue réellement  en ce moment  ! 

      – Déclaration de la Confédération paysanne : https://www.confederationpaysanne.fr/actu.php?id=14096

      – 15 proposition de la FNE : https://fne.asso.fr/dossiers/nos-15-propositions-pour-une-agriculture-plus-durable-et-plus-juste

      – Un film « Tu nourriras le monde » en ligne en accès libre: https://parolesdepaysans.wixsite.com/parolesdepaysans/tu-nourriras-le-monde    (jusqu’au 5 février )